« Les origines païennes de l'Islam » : différence entre les versions

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==== Réformisme abrahamique ====
==== Réformisme abrahamique ====
Muḥammad insiste sur le fait de suivre « la religion d’Abraham » plutôt que celle des juifs ou des chrétiens ({{Quran|2|135}}, {{Quran|3|67}}). Le Coran élève Ismaël, fils d’Abraham, considéré comme l’ancêtre des Arabes selon des interprétations tardives des auteurs bibliques sur les « Ismaélites »<ref>Fisher, Greg. Arabs and Empires before Islam (p. 367). OUP Oxford. 2015.
Muḥammad insiste sur le fait de suivre « la religion d’Abraham » plutôt que celle des juifs ou des chrétiens ([https://coran-seul.com/index.php/verset?sourate=2&verset=135 Coran 2:135], [https://coran-seul.com/index.php/verset?sourate=3&verset=67 Coran 3:67]). Le Coran élève Ismaël, fils d’Abraham, considéré comme l’ancêtre des Arabes selon des interprétations tardives des auteurs bibliques sur les « Ismaélites »<ref>Fisher, Greg. Arabs and Empires before Islam (p. 367). OUP Oxford. 2015.


''Aucun passage de la Bible hébraïque ou de la Septante n’identifie explicitement ce groupe comme des “Arabes”, et un passage du livre des Jubilés (écrit au IIe siècle av. J.-C.), qui pourrait le faire, s’est révélé peu concluant.<sup>348</sup> Bien que deux auteurs hellénistiques tardifs identifient les Arabes comme les Ismaélites, l’identification claire entre Arabes et Ismaélites n’est apparue que plus tard, chez l’historien juif Flavius Josèphe (37–env. 100).<sup>349</sup>''</ref> (cependant, dans la Bible, c’est son autre fils Isaac avec qui l’alliance est établie, tandis qu’Ismaël en est expressément exclu).<ref>Cook, Michael. ''A History of the Muslim World: From Its Origins to the Dawn of Modernity'' (p. 58). Princeton University Press. 2024.</ref> Dans le Coran, Ismaël devient un prophète, et il est dit qu’il construit un temple avec Abraham ({{Quran|2|125-127}}), identifié dans la tradition islamique comme la Kaaba à La Mecque. Ce récit, qui présente les disciples de Muḥammad comme les descendants d’Ismaël, relie non seulement le monothéisme arabe à l’héritage d’Abraham par la généalogie, mais établit également une charte religieuse pour le sanctuaire mecquois et le pèlerinage, offrant ainsi à Muḥammad un fondement significatif à son message.
''Aucun passage de la Bible hébraïque ou de la Septante n’identifie explicitement ce groupe comme des “Arabes”, et un passage du livre des Jubilés (écrit au IIe siècle av. J.-C.), qui pourrait le faire, s’est révélé peu concluant.<sup>348</sup> Bien que deux auteurs hellénistiques tardifs identifient les Arabes comme les Ismaélites, l’identification claire entre Arabes et Ismaélites n’est apparue que plus tard, chez l’historien juif Flavius Josèphe (37–env. 100).<sup>349</sup>''</ref> (cependant, dans la Bible, c’est son autre fils Isaac avec qui l’alliance est établie, tandis qu’Ismaël en est expressément exclu).<ref>Cook, Michael. ''A History of the Muslim World: From Its Origins to the Dawn of Modernity'' (p. 58). Princeton University Press. 2024.</ref> Dans le Coran, Ismaël devient un prophète, et il est dit qu’il construit un temple avec Abraham ([https://coran-seul.com/index.php/verset?sourate=2&verset=125 Coran 2:125-127]), identifié dans la tradition islamique comme la Kaaba à La Mecque. Ce récit, qui présente les disciples de Muḥammad comme les descendants d’Ismaël, relie non seulement le monothéisme arabe à l’héritage d’Abraham par la généalogie, mais établit également une charte religieuse pour le sanctuaire mecquois et le pèlerinage, offrant ainsi à Muḥammad un fondement significatif à son message.


Michael Cook (2024) note que cette idée selon laquelle les Arabes seraient des descendants d'Abraham {{Quran|22|78}} est antérieure au Coran, et qu’elle était bien connue des Arabes depuis des millénaires, comme le rapporte Sozomène, un chrétien (né vers 380 à Bethelea, près de Gaza, en Palestine — mort vers 450 à Constantinople, Empire byzantin [aujourd’hui Istanbul, Turquie.])<ref>[https://www.britannica.com/biography/Sozomen Sozomen] | Christian lawyer | Byzantine historian | Britannica Entry </ref>, qui écrivait que certains avaient pris connaissance de ce fait et avaient commencé à pratiquer un monothéisme inspiré du judaïsme plutôt que le paganisme, plusieurs siècles avant l’islam.
Michael Cook (2024) note que cette idée selon laquelle les Arabes seraient des descendants d'Abraham [https://coran-seul.com/index.php/verset?sourate=22&verset=78 Coran 22:78] est antérieure au Coran, et qu’elle était bien connue des Arabes depuis des millénaires, comme le rapporte Sozomène, un chrétien (né vers 380 à Bethelea, près de Gaza, en Palestine — mort vers 450 à Constantinople, Empire byzantin [aujourd’hui Istanbul, Turquie.])<ref>[https://www.britannica.com/biography/Sozomen Sozomen] | Christian lawyer | Byzantine historian | Britannica Entry </ref>, qui écrivait que certains avaient pris connaissance de ce fait et avaient commencé à pratiquer un monothéisme inspiré du judaïsme plutôt que le paganisme, plusieurs siècles avant l’islam.
{{Quote|Cook, Michael. A History of the Muslim World: From Its Origins to the Dawn of Modernity (p. 58-60) (Kindle Edition) Princeton University Press.|Sozomène, un chrétien originaire d’un village près de Gaza écrivant dans la première moitié du Ve siècle, rapporte un récit intéressant sur les Sarrasins, l’un des noms par lesquels les Arabes étaient alors largement connus. Ils descendaient d’Ismaël, d’où leur autre appellation d’Ismaélites. « Étant donné leur origine, ils pratiquent la circoncision comme les Juifs, s’abstiennent de consommer du porc et observent de nombreux autres rites et coutumes juifs. » Bien entendu, cet héritage ancien des Arabes ne fut que partiellement préservé, mais cela s’explique aisément : « Les habitants des pays voisins, fortement enclins à la superstition, ont sans doute rapidement corrompu les lois imposées par leur ancêtre Ismaël. » Ils en vinrent donc à servir « les mêmes dieux que les nations voisines. » Mais ce tort fut finalement réparé : « Certains membres de leur tribu, étant entrés en contact avec les Juifs, apprirent d’eux la vérité sur leur origine, revinrent vers leurs proches, et s’orientèrent vers les lois et coutumes hébraïques. » Enfin, Sozomène revient à son époque : « Depuis ce moment-là, jusqu’à aujourd’hui, beaucoup d’entre eux règlent leur vie selon les préceptes juifs. »<sup>5</sup>
{{Quote|Cook, Michael. A History of the Muslim World: From Its Origins to the Dawn of Modernity (p. 58-60) (Kindle Edition) Princeton University Press.|Sozomène, un chrétien originaire d’un village près de Gaza écrivant dans la première moitié du Ve siècle, rapporte un récit intéressant sur les Sarrasins, l’un des noms par lesquels les Arabes étaient alors largement connus. Ils descendaient d’Ismaël, d’où leur autre appellation d’Ismaélites. « Étant donné leur origine, ils pratiquent la circoncision comme les Juifs, s’abstiennent de consommer du porc et observent de nombreux autres rites et coutumes juifs. » Bien entendu, cet héritage ancien des Arabes ne fut que partiellement préservé, mais cela s’explique aisément : « Les habitants des pays voisins, fortement enclins à la superstition, ont sans doute rapidement corrompu les lois imposées par leur ancêtre Ismaël. » Ils en vinrent donc à servir « les mêmes dieux que les nations voisines. » Mais ce tort fut finalement réparé : « Certains membres de leur tribu, étant entrés en contact avec les Juifs, apprirent d’eux la vérité sur leur origine, revinrent vers leurs proches, et s’orientèrent vers les lois et coutumes hébraïques. » Enfin, Sozomène revient à son époque : « Depuis ce moment-là, jusqu’à aujourd’hui, beaucoup d’entre eux règlent leur vie selon les préceptes juifs. »<sup>5</sup>


Pour Sozomène, donc, les Arabes partageaient à l’origine avec les Israélites l’héritage de leur ancêtre commun Abraham, mais sous l’influence de leurs voisins païens, ils avaient perdu ce précieux héritage ancestral et sombré dans le paganisme. Ce n’est pas seulement ainsi que Sozomène le comprend ; il nous dit aussi, dans ce passage, que certains Arabes, ayant appris leur ascendance ismaélite grâce à des contacts avec les Juifs, étaient ensuite retournés à l’héritage de leurs ancêtres. Ce faisant, ils rejetaient les erreurs de leurs ancêtres récents pour retrouver leur véritable héritage d’origine. Plutôt qu’une trahison de leur ascendance, leur adhésion à l’héritage d’Abraham représentait le comble de la fidélité à celui-ci. Deux siècles plus tard, une idée similaire occupera une place centrale dans le Coran.}}
Pour Sozomène, donc, les Arabes partageaient à l’origine avec les Israélites l’héritage de leur ancêtre commun Abraham, mais sous l’influence de leurs voisins païens, ils avaient perdu ce précieux héritage ancestral et sombré dans le paganisme. Ce n’est pas seulement ainsi que Sozomène le comprend ; il nous dit aussi, dans ce passage, que certains Arabes, ayant appris leur ascendance ismaélite grâce à des contacts avec les Juifs, étaient ensuite retournés à l’héritage de leurs ancêtres. Ce faisant, ils rejetaient les erreurs de leurs ancêtres récents pour retrouver leur véritable héritage d’origine. Plutôt qu’une trahison de leur ascendance, leur adhésion à l’héritage d’Abraham représentait le comble de la fidélité à celui-ci. Deux siècles plus tard, une idée similaire occupera une place centrale dans le Coran.}}
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