« Les origines païennes de l'Islam » : différence entre les versions

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==Culte à la Ka’bah==
==Culte à la Ka’bah==
Le Coran mentionne fréquemment un sanctuaire sûr ou une maison où ont lieu des rituels, qu’il nomme « la Ka'bah, la Maison sacrée » dans {{Quran-range|5|95|97}}. Traditionnellement, on l’identifie aux « fondations de la maison » élevées par [[:en:Ibrahim_(Abraham)|Abraham]] et [[:en:Isma'il|Ismaël]] dans {{Quran|2|127}}, ce qui est probablement l’implication visée. Voir aussi {{Quran|3|96|97}}, qui affirme que la première maison pour l’humanité où Abraham priait fut construite à Bakkah, généralement comprise comme étant La Mecque, ainsi que {{Quran-range|14|35|41}}, où la maison sacrée construite par Abraham est décrite dans les mêmes termes que la Ka'bah dans d’autres versets. Encore plus explicite est {{Quran-range|22|26|29}}, où le site de la maison d’Abraham est identifié à la « maison ancienne » autour de laquelle les pèlerins sont autorisés à tourner. Il existe cependant peu ou pas de preuve directe concernant l’histoire préislamique de la Ka'bah à La Mecque. En revanche, certaines preuves indirectes significatives s’y rapportent, et elles ne vont pas dans le sens de la compréhension traditionnelle.
Le Coran mentionne fréquemment un sanctuaire sûr ou une maison où ont lieu des rituels, qu’il nomme « la Ka'bah, la Maison sacrée » dans [https://coran-seul.com/index.php/verset?sourate=5&verset=95 Coran 5:95-97]. Traditionnellement, on l’identifie aux « fondations de la maison » élevées par [[:en:Ibrahim_(Abraham)|Abraham]] et [[:en:Isma'il|Ismaël]] dans [https://coran-seul.com/index.php/verset?sourate=2&verset=127 Coran 2:127], ce qui est probablement l’implication visée. Voir aussi [https://coran-seul.com/index.php/verset?sourate=3&verset=96 Coran 3:96-97], qui affirme que la première maison pour l’humanité où Abraham priait fut construite à Bakkah, généralement comprise comme étant La Mecque, ainsi que [https://coran-seul.com/index.php/verset?sourate=14&verset=35 Coran 14:35-41], où la maison sacrée construite par Abraham est décrite dans les mêmes termes que la Ka'bah dans d’autres versets. Encore plus explicite est [https://coran-seul.com/index.php/verset?sourate=22&verset=26 Coran 22:26-29], où le site de la maison d’Abraham est identifié à la « maison ancienne » autour de laquelle les pèlerins sont autorisés à tourner. Il existe cependant peu ou pas de preuve directe concernant l’histoire préislamique de la Ka'bah à La Mecque. En revanche, certaines preuves indirectes significatives s’y rapportent, et elles ne vont pas dans le sens de la compréhension traditionnelle.
 
Dans son article ''Foundations of the house'', Joseph Witztum discute ce verset ([https://coran-seul.com/index.php/verset?sourate=2&verset=127 Coran 2:127]). Il soutient que la scène coranique reflète un ensemble de traditions post-bibliques se fondant sur [https://www.biblegateway.com/passage/?search=Genesis%2022&version=NIV Genèse 22], où Abraham va sacrifier Isaac (dans le Coran, il s’agit d’Ismaël). Dans des traditions exégétiques ultérieures, Abraham construit un autel pour le sacrifice et Isaac s’offre volontairement. Dès ''Les Antiquités judaïques'' 1:227 de Josèphe (Ier siècle EC), Isaac aide même à la construction. Aux IVe et Ve siècles, plusieurs homélies chrétiennes (principalement syriaques) reprennent ce motif. Puis une homélie syriaque du VIe siècle de Jacques de Saroug sur Genèse 22 les décrit comme construisant non seulement un autel mais une « maison » (syriaque : *bayta*), comme dans le Coran (arabe : *bayt*). Witztum soutient que le Coran transfère cette imagerie associée à Jérusalem vers La Mecque.<ref>Joseph Witztum, [https://www.jstor.org/stable/40378843 The Foundations of the House (Q 2: 127)], Bulletin of the School of Oriental and African Studies, University of London, vol. 72, no. 1, 2009, pp. 25–40 ]<BR />Dans le Livre des Jubilés (IIe siècle AEC), un autel construit par Abraham à Hébron est mentionné. La maison d’Abraham est aussi évoquée à plusieurs reprises, mais uniquement comme son foyer ou sa maisonnée, et non comme sanctuaire).</ref> Le développement clairement tardif de l’idée qu’Abraham ait construit une maison sacrée pour y sacrifier son fils remet en question la réalité historique de ce récit, sans parler de l’idée que la Ka'bah de La Mecque en serait le lieu. Pour bien d’autres exemples d’éléments narratifs chrétiens syriaques dans le Coran, voir l’article (anglais): [[:en:Parallels_Between_the_Qur'an_and_Late_Antique_Judeo-Christian_Literature|''Parallels Between the Qur'an and Late Antique Judeo-Christian Literature'']].


Dans son article ''Foundations of the house'', Joseph Witztum discute ce verset ({{Quran|2|127}}). Il soutient que la scène coranique reflète un ensemble de traditions post-bibliques se fondant sur [https://www.biblegateway.com/passage/?search=Genesis%2022&version=NIV Genèse 22], où Abraham va sacrifier Isaac (dans le Coran, il s’agit d’Ismaël). Dans des traditions exégétiques ultérieures, Abraham construit un autel pour le sacrifice et Isaac s’offre volontairement. Dès ''Les Antiquités judaïques'' 1:227 de Josèphe (Ier siècle EC), Isaac aide même à la construction. Aux IVe et Ve siècles, plusieurs homélies chrétiennes (principalement syriaques) reprennent ce motif. Puis une homélie syriaque du VIe siècle de Jacques de Saroug sur Genèse 22 les décrit comme construisant non seulement un autel mais une « maison » (syriaque : *bayta*), comme dans le Coran (arabe : *bayt*). Witztum soutient que le Coran transfère cette imagerie associée à Jérusalem vers La Mecque.<ref>Joseph Witztum, [https://www.jstor.org/stable/40378843 The Foundations of the House (Q 2: 127)], Bulletin of the School of Oriental and African Studies, University of London, vol. 72, no. 1, 2009, pp. 25–40 ]<BR />Dans le Livre des Jubilés (IIe siècle AEC), un autel construit par Abraham à Hébron est mentionné. La maison d’Abraham est aussi évoquée à plusieurs reprises, mais uniquement comme son foyer ou sa maisonnée, et non comme sanctuaire).</ref> Le développement clairement tardif de l’idée qu’Abraham ait construit une maison sacrée pour y sacrifier son fils remet en question la réalité historique de ce récit, sans parler de l’idée que la Ka'bah de La Mecque en serait le lieu. Pour bien d’autres exemples d’éléments narratifs chrétiens syriaques dans le Coran, voir l’article (anglais): [[:en:Parallels_Between_the_Qur'an_and_Late_Antique_Judeo-Christian_Literature|''Parallels Between the Qur'an and Late Antique Judeo-Christian Literature'']].


Les conclusions de Witztum sont également résumées par Gabriel Said Reynolds dans son commentaire académique sur le Coran. Reynolds note par ailleurs que l’historien byzantin Sozomène du Ve siècle EC (mort en 450) rapporte que les Arabes effectuaient un pèlerinage annuel à Hébron, près de Jérusalem, où Abraham aurait reçu une visite divine (Genèse 18). Reynolds suggère que ce pèlerinage arabe a pu être ultérieurement transféré à La Mecque.<ref>Gabriel Said Reynolds, ''The Qur'an and the Bible: Text and Commentary'', New Haven and London: Yale University Press, 2018, pp. 69-70</ref> En effet, il semble étrange que ces Arabes se rendent jusqu’à Hébron en pèlerinage si la maison d’Abraham était déjà identifiée à un sanctuaire à La Mecque à cette époque. Le professeur Sean Anthony a écrit une discussion complémentaire utile sur le sujet.<ref>Sean Anthony (2018) [https://www.academia.edu/40662088 Why Does the Qur'an Need the Meccan Sanctuary? Response to Professor Gerald Hawting's 2017 Presidential Address], Journal of the International Qur'anic Studies Association, Vol. 3 pp. 25-41</ref> Patricia Crone est largement reconnue pour avoir établi que La Mecque n’avait aucune importance particulière au moment de l’émergence de l’islam, qu’elle ne se trouvait pas sur la principale route commerciale, et que son commerce portait sur des produits comme le cuir, la laine et d’autres biens pastoraux.<ref>Cette thèse a été défendue de manière décisive par Crone dans son ouvrage de 1987, ''Meccan Trade and the Rise of Islam'', puis renforcée dans son article de 1992 [https://www.jstor.org/stable/4057061 Serjeant and Meccan Trade] et son article de 2007 [https://www.jstor.org/stable/40378894 Quraysh and the Roman Army: Making Sense of the Meccan Leather Trade]</ref>
Les conclusions de Witztum sont également résumées par Gabriel Said Reynolds dans son commentaire académique sur le Coran. Reynolds note par ailleurs que l’historien byzantin Sozomène du Ve siècle EC (mort en 450) rapporte que les Arabes effectuaient un pèlerinage annuel à Hébron, près de Jérusalem, où Abraham aurait reçu une visite divine (Genèse 18). Reynolds suggère que ce pèlerinage arabe a pu être ultérieurement transféré à La Mecque.<ref>Gabriel Said Reynolds, ''The Qur'an and the Bible: Text and Commentary'', New Haven and London: Yale University Press, 2018, pp. 69-70</ref> En effet, il semble étrange que ces Arabes se rendent jusqu’à Hébron en pèlerinage si la maison d’Abraham était déjà identifiée à un sanctuaire à La Mecque à cette époque. Le professeur Sean Anthony a écrit une discussion complémentaire utile sur le sujet.<ref>Sean Anthony (2018) [https://www.academia.edu/40662088 Why Does the Qur'an Need the Meccan Sanctuary? Response to Professor Gerald Hawting's 2017 Presidential Address], Journal of the International Qur'anic Studies Association, Vol. 3 pp. 25-41</ref> Patricia Crone est largement reconnue pour avoir établi que La Mecque n’avait aucune importance particulière au moment de l’émergence de l’islam, qu’elle ne se trouvait pas sur la principale route commerciale, et que son commerce portait sur des produits comme le cuir, la laine et d’autres biens pastoraux.<ref>Cette thèse a été défendue de manière décisive par Crone dans son ouvrage de 1987, ''Meccan Trade and the Rise of Islam'', puis renforcée dans son article de 1992 [https://www.jstor.org/stable/4057061 Serjeant and Meccan Trade] et son article de 2007 [https://www.jstor.org/stable/40378894 Quraysh and the Roman Army: Making Sense of the Meccan Leather Trade]</ref>
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